06/07/2008

Escale sur colline

Il a le visage légèrement allongé, des pattes d'oie autour des yeux, un front dégarni. Il a des cheveux grisonnants, une faucette sur le menton, un regard brun. Il a un nez fin, une bouche esquissant perpetuellemnt un sourire, une barbe de trois jours. Il dit qu'il aimeles femmes, leurs courbes, surtout celles des rwandaises, c'est un éternel amoureux. Il vit en Ouganda, mais part deux mois au Kenya, après il rentrera chez lui, en Australie. Il estvenu avec une moto dont la batterie menace de rendre l'âme, commel'ont fait avant elle les phares. Il atraversé le pays de nord en sud, longeant le kivu, logeant làoù on voulait bien de lui, dormant quand il pouvait. Il tente d'extraire de sa memoire quelques mots de français, puis m'énumère des titres de films: lepont des amlants, subway...La conversation se fara naturellement en anglais, comme par un accord tacite. Il a la curieuse habitude de soulignerses affirmation par des clins d'oeil répétés, ce qui lui donne l'air d'un acteur de boulevard tentant de mettre le public dans sa poche. Il possède le bagou de l'éternel voyageur, se couche tous les soirs a 21h30, ne mange rien d'origine animale ettravaille pour Jane Goodall. Il reconnait être radin, un peu seducteur, surtout impatient. Je lui parle de la France, il me decrit ses rencontres, s'emerveille quand je lui explique ce qu'est zellidja. Les heures passent, il m'invite à prendre un verre. Il est une de ces decouvertes merveilleuses, celles d'un instant comme d'une soirée, celles désirées comme fortuites. Il estde ces personnes qui n'hesitent pas à vous aider, a vous renseigner ou tout simplement a echanger quelques bribes de leur experience. Kigali est maintenant sombre, plongée dans sa léthargie nocturne, il n'est pourtant que 20h. Aucune musique ne retentit, pasmême un eclat de rire, juste le bruit de quelques voitures et motos qui seules peuplent la ville la nuit venue. Sur les collines scintillent encore ce squelette de lumière, où chaque point lumineux semble posséder sa propre identité, où alternent aura légèrement rouge et hallo presque blancs. Trois militaires mitraillettes à l'épaule déambulent silencieusement sur ses routes parfaitement goudronnées, où la présence d'un nid de poule est aussi rare que celle d'un dechet sur un trottoir. Quelques adolescents entonent un chant de leurs voix graves, brisant cette quiétude naissante par une mélodie aux rythmes indistincts, pour finalementy arreter a notre passage afin de nous interpeller. Les marchandises sont toujours identiques, des cartes telephoniques scindées les unes aux autres, ressemblant ainsi a une chaine zebrée de jaune et de noir; des cartes à motifs africanisants pour touristes compatissants; des lunettes de soleil imitation non-marque....L'homme me serre la main après m'avoir donné son adresse email, puis s'en va, se retournant une dernière fois pour s'exclamer:"et surtout n'oublie pas que tu peux m'envoyer un message".

1 commentaire:

Nell a dit…

Salut Pierre, c'est très sympa de publier ces articles sur le net, comme ça on a un peu l'impression d'être avec toi là-bas =) Je te souhaite de faire plein d'autres jolies rencontres, bisous! Et embrasse aussi le lézard de ma part.